Instants d’un futur qui traverse le pont du présent

IV – Aucune porte ne sera close

Sur ma terre
Devenue pierres et silence
Où les cris
Tus
Sont des matins sans étreintes
Tu sèmeras ton amour
Calme luzerne
Aux mélodies inattendues
Feuilles tendres
Sourires d’arbres
Qui déchirent
Heureux
Le voile du désir
Les semblants
Les masques.
Tu ne m’as pas vu t’attendre
Au pied de la coupole de Jinnah
Blanc bateau de cendre
Que le vent emportait à la dérive de l’immense
Au gré de mes pas.
Qu’elle est loin la mousson de Karachi.
C’était une mousson de corbeaux et de soirs
Sur ce vert
Mouillé
Intense
Où le ciel n’en finissait pas de crailler
Avec ses faux orages
Ses ailes noires.
Sans repos
Anxieux
Haletant
J’ai erré
A ta recherche
Au milieu des blanchisseurs
Au bord du fleuve-lavoir.
Le couchant séchait les draps et les nuages
Blancheur sans fin
Etendue sur les fils du vent
Qui racontait à l’amour fragile des pauvres
Les nuits de désir
Et les désirs esseulés du chagrin.
J’ai couru jusqu’à la mer d’Oman
Dans la foule
Le ciel très bas
Mais il n’y avait personne sur le sable
Sauf un crépuscule
Amer
Qui se baignait dans des vagues de cendres
Et quelques chevaux et dromadaires
Qui promenaient
Altiers
Indifférents
Les épouses et les enfants.
Demain je partirai vers le Nord
Dans les hautes vallées
Secrètes
De l’Himalaya
Du Karakorum.
Qui que vous soyez
S’il vous arrive de rencontrer mon amour
Dites-lui que je continue de le chercher
Que sur les routes de mes visions
Mes mains ne cessent d’explorer sa terre
Ses matins
Ses saisons.
Je l’attendrai à Chitral
Près de la mosquée rose.
Surtout je voudrais qu’il sache
Que sous les platanes
Au bord du fleuve
Aucune porte ne sera close.

Avril 1995